Cette semaine nous allons prendre le temps de vous parler d’une histoire d’amour, longue et passionnelle. Le cinéma et la bande dessinée se sont rencontrés au début du siècle dernier, une vingtaine d’années seulement après la naissance du cinématographe.
C’est sans grande surprise le comic strip américain qui les a fait se rencontrer, de courtes bandes dessinées très populaires, grand frère des comics de super héros dont ceux de Stan Lee tels qu’on les connait aujourd’hui au travers des films signés Marvel ou DC. Flash Gordon est apparu au cinéma d’ailleurs très peu de temps après, dès 1936, suivi de quelques années par les incontournables Batman ou Superman par exemple.
Le cinéma d’animation s’est aussi très rapidement intéressé à l’adaptation de bandes dessinées notamment avec l’arrivée de Walt Disney avec son Mickey Mouse dès 1928 ou la vedette Popeye en 1933.
Outre atlantique il va falloir attendre plus longtemps pour voir apparaître des adaptations de bandes dessinées sur grand écran. Le virage notable se crée en 1965 avec le film d’animation Les aventures des Schtroumpfs suivi par Astérix, Lucky Luke, et bien sûr Tintin.
D’immenses réalisateurs se sont penchés sur la question de l’adaptation de la bande dessinée, à commencer par Hayao Miyazaki en réalisant Nausicaa de la vallée du vent en 1984. Transition parfaite pour parler du Manga. Parmi la multitude de feuilletons pour enfants comme Titeuf ou le Marsupilami, on retrouve un grand nombre d’adaptations de Mangas comme Dragon ball Z ou Naruto. Le cinéma a de ce fait favorisé la popularisation de la culture manga en Europe.
Dans une moindre mesure, plusieurs films ont eu droit après leur exploitation à des adaptations en bande dessinée comme Les Temps Modernes ou La Ruée vers l’Or de Charles Chaplin, adapté par Magniaux dans les années 1970.
Sin City, V pour Vendetta, Ghost in the Shell, Old Boy, Persepolis, tant d'œuvres cinématographiques saluées par la critique, adaptées de bandes dessinées ou de Mangas.
Cette affection entre ces deux arts a aussi invité quelques auteurs prestigieux à se diriger vers la réalisation le temps d’un film ou pour une carrière. On retrouve alors Enki Bilal (Immortel, ad vitam), Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville), Joann Sfar (Le petit vampire ou Gainsourg vie héroïque), Lorrenzi Mattoti (La fameuse invasion des ours en Sicile), Alejandro Jodorowsky, Patrice Leconte, René Goscinny, Zep…
POPEYE THE SAILOR MAN: Meets Sindbad the Sailor
Court-métrage d'animation / Etats-Unis / 1936 / 17 minutes / Version remasterisée
Réalisé par les frères Fleisher
Inspiré du Comic strip "The Thimble Theatre" de Elzie Crisler Segar
Elzie Crisler Segar, caricaturiste américain classique des années 1920 et 1930 est connu essentiellement pour la création du célèbre marin Popeye et de sa phrase fétiche : "I am what I am and that's all what I am" ("Je suis ce que je suis et c'est tout ce que je suis")
Popeye n'est pas beau avec sa mâchoire prognathe et de travers, son œil crevé (pop eye), ses avant-bras difformes. Il a tendance à cogner avant d'expliquer et malmène la langue anglaise ; mais il est aussi généreux, courageux et honnête, toujours prêt à défendre la veuve et l'orphelin contre les méchants.
En filigrane, Popeye prône une société plus égalitaire où les biens seraient mieux répartis. La montée du fascisme s'y retrouve aussi dénoncée dans de nombreux strips.
La force dopante de Popeye, qui provient des épinards, n'apparaît que très ponctuellement, comme un simple gag, dans la bande dessinée de Segar. Mais elle sera développée par les studios Fleischer lors de la production animée du comic strip, pour deux raisons.
Dans l'entre-deux-guerres et après la crise de 29, il est plus difficile de se fournir en viande. Les autorités insistent alors sur la consommation de légumes, et notamment d'épinards, en profitant de l'image de Popeye.
Les scénaristes transforment Popeye en une série d'humour et d'aventures, assez différente de la BD d'origine, et le gimmick des épinards est un bon outil de suspense pour ménager l'action. Face au danger, le marin avale des épinards et soudainement doté d'une super force, il renverse les situations les plus critiques !
LA MORT, PÈRE ET FILS
Court métrage d’animation (Marionnettes, ordinateur 2D, 3D) / France / 2017 / 13’32
Réalisé par Denis Walgenwitz et Winshluss
D’après la bande-dessinée Welcome to the Death Club de Winshluss
Nomination César 2019 du meilleur court métrage d’animation
Le fils de la Mort ne veut pas reprendre l’affaire familiale. Il a le rêve secret de devenir Ange gardien, ce qui va l’amener à déclencher une série de catastrophes.
Son père devra alors le sortir de ce mauvais pas.
Avec ce conte poétique et décalé, nous retrouvons l'humour noir et grinçant de son auteur Winshluss.
Winshluss est un dessinateur de bande dessinée, sculpteur, plasticien, musicien et réalisateur récompensé à de multiples occasions. Il signe plus de neuf albums de BD dont Pinocchio qui en 2009 reçoit le fauve d’or, Prix du meilleur album du festival international d’Angoulême. Depuis 2003, il a réalisé plus de six films et dessins animés. Il a co-réalisé avec Marjane Satrapi Persépolis qui reçoit en 2007 le Prix spécial du jury de Cannes et en 2008 deux Césars.
Sombrez avec nous, découvrez la vallée de la Mort et les relations compliquées entre un Père et son Fils.
Attention certaines scènes peuvent choquer les plus jeunes
BANDE DESSINÉE ET CINÉMA
Épisode de l'émission "LE RAYON BD"
Une émission France Culture par Victor Macé de Lépinay / 2019 / 28 minutes
Raconter une histoire en images. Cela pourrait définir - très succinctement et imparfaitement la bande dessinée et le cinéma. Les rapports entre le 7è et le 9è Art sont depuis toujours fructueux et féconds. Mais le 7è et 9è art sont-ils si proches que cela ? Le sujet est si vaste qu’un nouveau Festival, le Bédérama, s’y consacre entièrement. Et pour en parler, Le Rayon BD a reçu en 2019, deux auteurs invités au festival: Mathieu Sapin et Émilie Gleason.
Illustrateur pour la jeunesse, aucun style n'effraie celui qui partagea l'atelier de la Société nationale de bande dessinée avec Christophe Blain, Riad Sattouf et Joann Sfar. Sur les conseils de Lewis Trondheim, Mathieu Sapin ajoute une nouvelle corde à son arc, celle du reportage dessiné et en fait sa spécialité. C'est ainsi qu'il interroge les liens entre l'Art et le Pouvoir avec la finesse et l'autodérision qui font sa patte, à travers notamment ces albums sur la campagne présidentielle de 2012 de François Hollande, et de ses premiers pas à l'Élysée, ou plus récemment avec son dernier album "Comédie française, voyages dans l'antichambre du pouvoir". Il est également le réalisateur d'une comédie de long métrage sur le milieu de la politique, "Le Poulain" (2018).
Née au Mexique en 1992, Émilie Gleason est une grande fan de l’humour gros-pipi-boudin-caca... Elle a participé aux 24h de la BD du FIBD et a publié son premier livre aux États-Unis, "Micket Boule", qui parle d’une souris qui pète, voilà. Elle reçoit le Fauve Révélation au festival d'Angoulême 2019 pour "Ted drôle de coco", son projet de fin d’étude aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Comblée, elle jongle alors entre des projets de fresques, d’animation et de bande-dessinée. Enfin, elle rêve toujours d’arpenter les autoroutes du monde en camion.
https://www.franceculture.fr/emissions/le-rayon-bd/bande-dessinee-et-cinema-sequence-1
Dans cette émission, Mathieu Sapin évoque également le cinéaste, auteur, dessinateur de BD et taromancien Alejandro Jodorowsky dont le premier court métrage "La cravate" de 1957, est réalisé en prise de vue réelle. Tous les décors sont faits en carton, ce qui lui donne une esthétique très théâtrale, théâtre dont est par ailleurs issu Alejandro Jodorowsky.
Merci à toutes et à tous pour vos retours chaleureux sur la Chronique et pour votre soutien.
Et si vous aimez, n'hésitez pas à partager auprès de votre entourage.